Les Collectivités Apprenantes : une pratique et des prédispositions

Une pratique :

Pour Peter SENGE, pratiquer l’Organisation Apprenante consiste à développer deux disciplines individuelles (la maîtrise personnelle, les modèles mentaux), deux disciplines collectives (Apprendre en équipe, la vision partagée) et une discipline globale (la pensée systémique), cette dernière venant lier l’ensemble de la démarche. Pour amorcer la pratique, nous parlerons ici de la maitrise personnelle et de la vision partagée.

La première est un travail individuel consistant à développer sa posture d’apprenant. Il s’agit de générer une image concrète de la réalité à un moment donné pour questionner sa pratique quotidienne, situer l’action et l’organisation. A partir de cet état des lieux, il convient de développer une vision personnelle. La tension créatrice résultante de ce rapport entre vision et réalité dirigera l’action, génèrera du sens et de la motivation. A partir de ce que je vois, de ce que je constate, voilà où je pense qu’il convient d’aller et voilà comment je pense y aller.

La vision partagée permet de travailler ces mêmes éléments collectivement. Elle est la complémentarité des visions individuelles, construite à partir des aspirations de chacun et des enjeux relatifs à l’organisation. La tension créative collective ainsi mobilisée permettra de définir le chemin sur lequel s’engager ensemble, les étapes à franchir et la manière de les franchir.

 

Des prédispositions dans les collectivités territoriales :

1. L’intérêt commun est facilitateur. Dans le service public local, il peut s’agir de la notion d’intérêt général, essence même de la présence d’un individu dans une organisation publique. Il peut donc constituer le point de départ de la réflexion.

En outre, retravailler sur les principes du service public, choisir et prioriser ensemble les valeurs communes, aideront à la construction d’une vision partagée. Et ce seront ces mêmes valeurs, actées collectivement, et moins la hiérarchie, qui guideront l’action publique.

2. Les collectivités territoriales comprennent une multitude d’acteurs de profils différents, de formation et de cultures professionnelles différentes : les élus, les agents, mais aussi les citoyens (contribuables, usagers, associations). La mise en commun des savoirs ne peut qu’apporter plus de richesses aux partages. Philippe LORINO (2020) explique l’intérêt d’une gouvernance pluraliste conduisant à un cercle vertueux. Plus les acteurs s’impliquent, plus ils s’imprègnent de la Culture et des problématiques de l’organisation. Et plus ils s’en intéressent et plus ils s’impliquent. Exploitons cette diversité en créant par exemple un observatoire du territoire afin d’alimenter une réflexion apprenante collective !

3. Le projet politique constitue la feuille de route pour le mandat. Il est nécessairement présent car c’est en principe par son biais que le choix de l’électeur s’opère. Il s’agit là d’une vision politique au sens de projet, qui pourra être partagée, déclinée, discutée et permettra d’amorcer une réflexion commune et de réinjecter du sens dans l’organisation.

 

D’autres pistes :

1. Démarrer une démarche d’apprenance après le vécu d’une situation inédite et/ou difficile peut faire prendre conscience des forces qu’une organisation peut tirer d’un changement. Que s’est-il passé ? Comment avons-nous réagi ? Quel en est le bilan ? Quel protocole devons-nous mettre en place si la situation était amenée à se renouveler ? Et quels critères mobiliser pour pouvoir évaluer par la suite ce protocole ? Tels sont des exemples de questions à se poser collectivement, élus, agents, direction, citoyens, pour nous permettre de relever les défis des changements contextuels dont peut faire l’objet l’organisation en les exploitant au lieu de les subir.

2. Seuls les gestionnaires opérationnels, au plus près de l’utilisation des ressources de terrain, sont capables de réaliser les économies « de petite échelle » qui, en s’accumulant, peuvent générer des ressources non négligeables. Il parait alors adéquat de partager les enjeux financiers avec l’ensemble des strates managériales, puis de laisser l’autonomie nécessaire pour que chacun puisse être acteur, par les moyens dont il dispose, de cette recherche d’optimisation. Le partage de l’enjeu crée une situation d’apprentissage à exploiter individuellement et collectivement grâce à la vision partagée, permettant ainsi d’apporter des solutions à moyen et long terme, dans le cadre d’une prospective financière par exemple.

  

Pour débuter une démarche d’apprenance, il est donc nécessaire d’engager un travail de réflexion collective autour du projet et des enjeux, à partir d’un état des lieux partagé et analysé. Puis, chacun doit bénéficier de l’espace nécessaire pour permettre à l’organisation de s’épanouir en s’épanouissant lui-même. Un individu ne pourra porter sa pierre à l’édifice que s’il dispose des connaissances, des techniques et de la liberté lui permettant de le faire. 

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