Définir l’innovation
Pupion apporte une définition de l’innovation comme l’apport de nouveaux éléments pratiques qui représentent une discontinuité avec le passé. Cette notion de « pratique » nous lie à nouveau avec la notion d’apprentissage.
D’abord, travailler l’autonomie des collaborateurs :
Le manque d’autonomie des collaborateurs constituerait un frein à l’innovation selon Boukamel et Emery. Cela signifierait que seuls ceux qui ont le pouvoir bénéficieraient de la possibilité d’avoir des idées innovantes et de les proposer. Si Senge dit que la vraie discipline de l’innovation va à l’encontre des normes culturelles, c’est qu’il propose d’inverser cette tendance. Pour l’auteur, les équipes œuvrent au quotidien pour la mission et non pour la hiérarchie. La mission est le seul pouvoir légitime qui doit être servi. Chacun doit être libre d’agir pour la mission et de pouvoir librement discuter voire remettre en question une tâche ou un ordre au nom de la mission poursuivie. Il s’agit de construire une Culture dans laquelle chacun peut exprimer son point de vue sans peur des représailles.
Alors oui… en ce sens, la discipline de l’innovation tend à menacer les relations de pouvoir établies. Mais n’est-ce pas le moment de se poser la question de la place du manager et de son rôle ?
Ensuite, développer une Culture de l’échec
Comment peut-on être sûr des idées nouvelles ? La caractéristique même de la pratique nouvelle n’est-elle pas son caractère aléatoire ? Le risque de réussite comme le risque d’échec sont alors pures hypothèses. Et les aversions au risque comme la peur de l’échec (avec la menace des sanctions disciplinaires) apparaissent comme des freins certains à l’innovation.
Voici quelques idées pour « travailler » l’échec :
1. Formaliser et pratiquer la gestion de l’échec :
- Parler sereinement de l’échec et de la place que l’on y accorde dans l’organisation. Finkelstein propose de faire la différence entre négligence et « solide innovation qui ne porte pas ses fruits ».
- Faire rentrer le concept d’échec dans les pratiques courantes pour le « démystifier » et effacer les craintes. Comment en tirer profit ? Le secteur de l’aviation civile a intégré le concept de non-sanction des erreurs non intentionnelles qui sont anonymement répertoriées, partagées et analysées dans un process d’amélioration continue.
2. Déployer la liberté d’expression par rapport aux collègues mais aussi à la hiérarchie : Bohm s’interroge sur le risque de la présence hiérarchique d’étouffer le dialogue. La réponse de Senge à ce sujet est que « la mission doit l’emporter sur le pouvoir » Le positionnement du manager et la relation que ce dernier entretien avec son équipe sont des éléments primordiaux pour diffuser l’aisance nécessaire à la liberté d’expression.
3. Créer et maintenir la motivation : donner du sens, travailler sur l’adéquation des valeurs, sur la vision, donner envie et cultiver cette envie pour pousser à la créativité.
Enfin, avoir conscience de l’importance du collectif
Il s’agit du collectif en tant que substitut de l’individu. L’idée est que le groupe s’approprie les arguments amenés par chacun des membres sans se soucier de qui en est à l’origine. La réflexion en groupe devient une réflexion « froide » où les conflits interpersonnels laissent place aux échanges d’idées et où les ingrédients propices à la réflexion sont des représentations, des points de vue, non des personnes. Ainsi, le jugement est écarté, la responsabilité devient collective.
La pratique de l’apprenance en équipe paraît être adaptée pour augmenter les capacités d’innovation d’une organisation. Cette discipline est associée à celle des modèles mentaux.
Pour Senge, il convient de discerner discussion et dialogue. La discussion est un simple échange entre personnes décortiquant un sujet d’intérêt commun selon les points de vue et les a priori individuels. L’intérêt de la discussion reste le développement des idées mais permet difficilement de trancher. Le groupe devra alors accepter l’une des opinions. Chacun cherchera à « gagner » au détriment de la recherche de la cohérence.
Le dialogue est une autre technique permettant davantage d’objectivité. En revanche, elle demande plus d’effort de la part des participants.
Selon Bohm, trois conditions sont nécessaires pour que le dialogue puisse avoir lieu :
- Tous les participants doivent mettre de côté leurs a priori (pratique des modèles mentaux)
- Chacun doit considérer les autres comme des collègues, des alliés
- Un facilitateur doit préserver le contexte du dialogue
Le collectif intervient alors comme accélérateur de la réflexion, l’intelligence collective dépasse les intelligences individuelles. Par la confrontation d’idées et de points de vue, et en évitant tout blocage dû aux a priori et aux jugements, le collectif est capable de prouesses réflexives impossibles à atteindre seul.
En outre, le leader doit avoir la capacité de s’insérer dans cette collégialité afin d’éviter que le poids de la hiérarchie n’entrave la bonne marche de la réflexion.
Ainsi, la capacité d’innovation des collectivités est en lien étroit avec le degré d’autonomie des individus, la place dédiée à l’échec et la maturité de l’intelligence collective. Encore une fois, c’est la stratégie managériale qui définira la ligne de conduite. Bien sûr, il s’agit d’un long cheminement pouvant prendre plusieurs mois voire des années tellement certaines habitudes et certains modèles mentaux peuvent être ancrés dans le quotidien. Mais ayons le courage d’emprunter ce chemin. En tout cas, telle est ma vision.
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